_Deuxième soir sur les terres de la Couronne, deuxième jour à méditer sur les évènements à venir et ce qu'il y ferait. Le jour était bel et bien tombé, sans doute depuis plus d'une heure déjà. La pénombre était dégagée par la lueur argentée de la pleine lune et de ses innombrables étoiles qui parsemaient son interminable étendue. La nuit était fraiche et des mieux que bienvenues, le long chemin parcouru sous le rouge soleil avait fatigué sa monture et sa propre personne depuis son départ de Pentos. L'homme s'était assis le dos contre un vieil arbre assez large pour dissimuler sa silhouette à son opposé. Sa monture broutait quelques mètres plus loin, silencieuse, simplement retenue par la sensation que l'une des rênes la retenait mollement sur une maigre branche. Son destrier était respectueux et était issus d'une bonne écurie, il attendrait même au péril de sa vie son cavalier. Mais l'heure n'était pas à l'éloge de son fidèle compagnon de chemin. Jaqen avait pris la peine d'éteindre le feu quand la nuit commençait à tomber, ainsi les simples braises provoquaient une chaleur amplement suffisante en cette soirée et ne dévoileraient pas au loin sa position. Il avait ouvert le sac que le marchand de Port-Real lui avait vendu en matinée contre une quantité non négligeable de pièces, il en sortis normalement les meilleurs mets pour un voyageur mais il ne fut pas surpris quand quelques miches de pain croustillèrent sous ses doigts. Et encore, certaines miches étaient devenues dures sous l'ardente chaleur de la journée. L'assassin sans-visage hocha la tête pour lui même, remettant la majorité des provisions dans le sac. Il coupa tout de même une miche en deux, conserva une moitié, et s'offrit volontiers quelques morceaux de viandes séchées d'un goût atypique qui lui plu dès les premières bouchées. Ce maigre festin serait amplement suffisant pour lui, la taverne du midi l'avait bien repus et sa faim était presque inexistante. Et de plus, la nuit saurait lui offrir le reste de forces nécessaires pour le lendemain. Et demain justement, il avait prévu une visite auprès d'un des membres de la famille Stark présente à Port-Real.

A mesure que ses pensées s'accumulaient, se mêlaient, se construisaient, une lame argentée scindait l'air d'un bruit franc, tournoyant entre ses doigts et se levant dans les airs à de courts instants. Manier d'une telle manière son arme de dernier recours lui rappelait de nombreux souvenirs dans la guilde des assassins. Il se souvenait l'apprentissage, et ce qu'on lui disait souvent : «l'arme auquel le désireux tueur ne s'attend pas lorsque son cadavreux est acculé.», l'arme de dernière chance se trouvait-il à penser. Mais pour lui c'était surtout une manière de rassembler sa concentration pendant sa solitude, et également d'occuper son esprit quand l'ennuie monte peu à peu. En conséquence, son idée était bien érigée et la question du comment et pourquoi n'était plus à poser.

Puis un craquement attira son attention, une coïncidence non fâcheuse devant son ennui soudain. La lame s'arrêta de bouger, le pommeau de l'arme dans la main. Le regard de l'homme se releva sous son capuchon, fouillant rapidement les alentours avant de conclure sans grande crainte que cela devait être un animal. Enfin, la seconde hypothèse. La première non émise était gage de sécurité. Jaqen H'Ghar feinta alors de ne rien avoir entendu, et sa main libre se leva, faisant glisser le capuchon sur ses épaules pour lui permettre une meilleure prise d'informations. Puis il reprit lentement le jeu de son couteau. Si intrus il y avait, -ou visiteur qui sait-, l'homme saurait l'accueillir de la manière dont il se présenterait. De toute évidence, Jaqen ne tentait pas de d'éviter une éventuelle rencontre, il aurait subtilement quitter les lieux, ombre parmi les ombres. Ainsi, calmement, sereinement, il attendit patiemment.