la belle et le corbeau (pv. you know nothing JON SNOW)

La nuit tombait. Le Nord n'avait jamais été aussi froid pour Jeyne. Plus les jours passaient plus sa mission se compliquait. Elle se retrouvait à se dire que peut-être les Stark n'étaient pas responsables. Elle s'attachait petit à petit à leur culture, leur politique, mais jamais au froid. Ce froid qui la faisait grelotter, l'empêchant même de dormir, de manger à sa faim tant il lui enserrait les entrailles. Et puis ajoutée à cela, le froid dans son coeur, alors que les siens lui manquaient, et qu'elle se surprenait à penser à eux très souvent. Même le feu de la cheminée qui brûlait jour et nuit à Winterfell ne suffisait pas à la réconforter. Jamais elle n'avait pensé que ce serait si difficile pour elle de supporter cette solitude. Elle n'y était pour le moins pas habituée, mais ne s'y habituerait jamais. La nuit tombait, et alors que tous se glissaient sous leurs fourrures, Jeyne y trouva le moment propice pour sortir. Elle avait entendu des domestiques parler, en travaillant avec elles. Jeyne les avait entendues parler d'un homme qui sévissait dans le nord, jusqu'au mur et au-delà. Cet homme prenait un malain plaisir à enlever des jeunes enfants, pour ensuite faire un quelconque sombre marché avec les marcheurs blancs. Jeyne n'aucune idée de ce que cela impliquait, mais elle était sûre de vouloir le découvrir. Cette nuit là, elle avait décidé de partir vérifier. Après avoir écouté les femmes parler, la jeune Ouestrelin avait appris qu'il semblait y avoir un village, plus loin vers le nord, où de telles choses se produisaient. Elle avait donc décidé de s'y rendre pour commencer son enquête. Et si son frère avait été enlevé par l'un de ces hommes? Le reverrait-elle seulement un jour?

Attrapant une peau, elle se couvrit les épaules puis descendit les marches froides et austères, finissant par se retrouver dehors. Tout était désert, et personne ne ferait attention à elle. Telle une ombre, elle se faufila jusqu'à sortir de l'enceinte de Winterfell, s'aventurant dans la nuit noire avec pour seule lumière celle de sa torche. Après plusieurs minutes de marche, elle se rendit compte qu'elle était essoufflée de marcher si vite et ralentit le rythme. Elle s'aventura dans les bois, écrasant racines et végétation éparses. Soudain, elle entendit un bruit qui la fit s'arrêter. Etait-ce le vent ou... un sifflement? Tendant l'oreille, elle n'entendit rien d'autre et conclut que son imagination lui jouait des tours. Elle finit par repartir d'un bon train. Progressant encore et toujours dans les bois, Jeyne était de moins en moins rassurée. Le vent soufflait sur sa torche, faisant vaciller sa lumière sur le sol enneigé. Un nouveau bruit se fit entendre, comme une sorte de ricanement qui venait droit sur elle. Lâchant la torche sans faire attention, Jeyne se mit à courir, évitant les racines. Et puis tout à coup, elle se retrouva nez à nez avec un homme. Elle dut se freiner pour s'arrêter et manque de trébucher. Les dents noircies, elle arrivait à les voir même dans la nuit. Le souffle court, elle se retourna, décidée à ne pas lui adresser la parole, mais un deuxième homme était déjà sur elle. Elle tenta de s'échapper mais l'un lui encercla la taille. se débattant, elle se mit à hurler, mais elle perdit tout son souffle lorsqu'elle fut jetée sur le sol.

Cela faisait plus d'une journée qu'ils avaient quitté le Mur mais Winterfell n'était toujours pas en vue. Cet état de faire n'aurait pas tant dû étonner le jeune Snow puisque leur allure était quelque peu ralentie par la cage que leur cortège devait escorter. En effet, trois autres frères l'accompagnaient pour ce voyage et la cage leur servirait à contenir les éléments les plus... indisciplinés. En général, il s'agissait des meurtriers et des violeurs, d'après ce que lui avait raconté Yoren, quelques semaines auparavant.

Jon n'était pas mécontent de ce travail de recruteur qui lui avait été temporairement confié. Suite à l'attaque du mort-vivant, le Lord Commandant avait décidé que la Garde de Nuit allait avoir besoin de davantage d'hommes, et c'est pourquoi il avait décidé d'envoyer un nouveau groupe de recruteurs, en plus de Yoren qui se dirigeait déjà vers Port-Réal. Ce serait l'occasion pour Jon de faire une escale à Winterfell pour prendre des nouvelles de Bran, mais aussi pour voir comment Robb gérait ses nouvelles responsabilités de gouverneur. Il se souciait aussi du petit Rickon, avec qui Lady Stark ne passait presque plus de temps depuis la chute de Bran.

- La nuit va bientôt tomber, Jon. On devrait bientôt installer notre camp et faire un feu. Suggéra Elkor.

Elkor était une recrue qui avait rejoint la Garde de Nuit quelques temps avant lui mais qui semblait le considérer malgré tout comme son supérieur. Peut-être était-ce parce que Jon était l'intendant du Lord Commandant ? Ou bien parce qu'il avait tué un mort-vivant ? Snow l'ignorait mais il était reconnaissant du soutien du jeune homme aux cheveux roux et au visage constellé de tâches de rousseur. Pour rien au monde, il ne l'aurait échangé contre Ser Allister.

- Bientôt, Elkor. J'aimerais que nous ayons atteint cette colline afin d'avoir un point de vue dégagé autour de nous. Pas mal de brigands sévissent dans les parages et je ne voudrais pas que nous nous fassions prendre par surprise.

C'était en compagnie de son père, Lord Eddard Stark, qu'il avait sillonné les routes avoisinantes de Winterfell, parfois pour chasser, d'autres fois simplement pour se promener et apprendre à Robb, Theon et lui-même à reconnaître les plantes, les animaux et à s'orienter sans l'aide d'une carte. Aujourd'hui, son père devait déjà être arrivé à Port-Réal, en compagnie de Sansa et Arya.

Son cœur se serra en pensant à Arya. Il revoyait les yeux de sa petite soeur briller de joie et de reconnaissance lorsqu'il lui avait offert la petite épée qu'elle avait baptisée Aiguille. Jon se souvenait également de la force avec laquelle elle l'avait serré dans ses bras, son corps légèrement tremblant et des larmes à peine retenues dans ses yeux sombres. Si son petit périple l'amenait jusqu'à Port-Réal, Jon ferait tout son possible pour réussir à la voir, ne serait-ce qu'un instant, et prendre de ses nouvelles. De tous ses demi-frères et sœurs, elle était avec Robb, l'un de ceux qu'il chérissait le plus, et qui le lui rendait bien.

Il ressentit soudain quelque chose bizarre, comme une odeur de peur et de bestialité qui flottait dans l'air... Son regard se posa immédiatement sur Fantôme, dont la tête était tournée vers leur gauche. Quelque chose était en train de se passer dans la forêt.

Jon n'était pas superstitieux mais il avait appris à se fier à son instinct et à celui de Fantôme. Il ne pouvait pas l'ignorer.

- J'ai entendu un bruit. Lyam, reste ici avec le chariot et rassemble du bois mais n'allume pas de feu. Elkor, Varred, avec moi.

Le jeune homme s'enfonça dans la forêt avec ses deux frères, suivant Fantôme qui les guidait sans un bruit. Ils ne tardèrent pas à entendre les hurlements d'une femme et pressèrent le pas.

Lorsqu'ils arrivèrent dans la clairière, quatre hommes se tenaient autour d'une femme allongée sur le sol et visiblement pétrifiée. L'un des hommes tenait une petite bourse cliquetant dans ses mains, tandis qu'un autre avait à moitié défait son pantalon.

Dégainant Grand-griffe, Jon n'hésita pas un seul instant avant de frapper l'homme à moitié dévêtu de sa lame, l'ouvrant du nombril jusqu'au cou. Un second s'était déjà lancé vers lui mais Snow fut plus rapide, lui plantant sa dague dans la gorge avant qu'il n'ait pu porter son épée vers lui. Décapitant son second attaquant de son épée, il acheva le premier d'un coup sec dans le cœur.

Ses frères s'étaient occupés des deux autres, si bien que les quatre hommes, qu'il suspectait d'être des voleurs et des assassins, étaient déjà tous morts. Rengainant son épée et sa dague au fourreau, il mit un genou à terre et tendit une main envers la jeune femme.

- N'ayez pas peur. Je m'appelle Jon, nous sommes des frères jurés de la Garde de Nuit. Nous ne vous ferons aucun mal.

A terre, c'est à peine si Jeyne comprit ce qui allait lui arriver. Le souffle coupé, elle haletait pour retrouver une bouffée d'oxygène. La neige trempait ses vêtements, lui brûlait la joue. Elle n'aurait su dire combien ils étaient, car elle ne les voyait pas. Mais elle les entendait respirer, fort, et sentait leur odeur, une odeur de putréfaction presque. Elle se débattit, mais ils étaient trop lourds et ils n'eurent pas à faire beaucoup d'effort pour la maintenir immobile. Se sentant définitivement vaincue, la jeune femme commença à adresse silencieusement une prière aux nouveaux Dieux. Qu'ils aient de la miséricorde pour elle s'ils l'entendait. Etait-ce leur punition parce qu'elle se faisait passer pour quelqu'un d'autre? Si c'était le cas, elle la trouvait tout de même bien cruelle. Alors qu'elle se préparait à passer un moment difficile avec force, un frisson d'effroi parcourut la troupe de brigands. Jeyne observa une masse se diriger vers eux, dans la nuit. Des bruits d'épée se firent entendre, un râle d'agonie, et soudain un liquide chaud et ferrique se déversa sur elle. Le temps qu'elle comprenne ce que c'était, il s'écroulait, inerte à ses côtés. Jeyne perdit à nouveau le souffle, sous le choc de l'intervention de trois hommes qu'elle ne distinguait que trop peu. Il sembla que les soldats ne firent qu'une bouchée des mécréants. L'un rangea son épée au fourreau à en juger par le bruit, et arriva près d'elle, à en croire le mouvement d'air frais qui lui parvint. Trempée, grelottante, couverte de sang par ci par là, de la neige sur le visage, Jeyne n'arrivait pas à voir son visage. Il fallut qu'elle attende que l'un des hommes se rapproche avec une torche pour l'éclairer.

- N'ayez pas peur. Je m'appelle Jon, nous sommes des frères jurés de la Garde de Nuit. Nous ne vous ferons aucun mal.

Sous le choc, Jeyne ne lui répondit rien. D'où sortaient-ils? Jeyne tenta de reprendre contrôle de ses muscles et de ses pensées. Elle se focalisa d'abord sur l'homme. Les cheveux noir corbeau et frisés, il avait de grands yeux noirs. Il était légèrement essoufflé, mais il était chaudement habillé, ce qui prouvait qu'il savait ce qu'il faisait. Ensuite seulement elle aperçut la main tendue vers elle. L'invitation chaude et réconfortante de ce gant en cuir la tenta, et lorsqu'elle reprit possession de son corps, elle glissa sa main dans la sienne. Son gant mouillé par la neige glissa sur le sien impeccable, et il l'aida à se relever. Jeyne resserra ses vêtements trempés autour d'elle, tremblant de tous ces membres. Elle reprit de la force dans son regard et grâce à son contact, mais lorsqu'elle eut l'impression qu'il faiblissait, ses jambes se dérobèrent sous son poids.

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Jon vit la jeune femme le dévisager pendant un moment, l'air hasard. Avec ses yeux exorbités et ses vêtements couverts d'un sang qui n'était pas le sien, elle avait l'air d'être revenue de l'enfer. C'était certainement le cas, lorsqu'on voyait à quel point elle était transie de froid. Lorsqu'elle parut reprendre quelque peu ses esprits, elle glissa sa main dans la sienne et il l'aida à se relever. Malheureusement, à peine fut-elle debout qu'elle manqua de s'effondrer de nouveau, ses jambes ne la soutenant plus.

Aussi délicatement que possible, Snow la prit dans ses bras pour la porter. Jetant un regard en arrière, il constata qu'Elkor était sur ses talons tandis que Varren dépouillait les défunts voleurs de leurs maigres possessions. Le Bâtard de Winterfell ne lui en tint pas rigueur, ces hommes étant des criminels dont les dépouilles serviraient de toutes manières de nourriture aux loups et aux autres bêtes sauvages une fois la nuit tombée.

Une fois arrivés jusqu'à leur point de départ, ils trouvèrent le chariot et Lyam, emmitouflé dans son manteau de fourrure, qui faisait les cent pas. Il avait attaché les chevaux à des arbres pour que ces derniers puissent se dégourdir un peu les jambes tout en restant proches les uns des autres.

- C'est pas trop tôt ! Je commençais vraiment à me les geler ici ! S'exclama Lyam lorsqu'il les vit arriver. Est-ce que je peux enfin allumer un feu ?

- Non. Détache les cheveux et attache-en deux, dont le mien, au chariot. Nous avons une jeune femme transie de froid qui a besoin de voir un mestre. Le plus proche est Mestre Luwin à Winterfell donc nous allons faire route en toute hâte jusque là-bas.

Lyam laissa échapper un soupir de résignation mais ne protesta pas. Quelques minutes plus tard, ses trois compagnons étaient en selle et Jon se trouvait à diriger le chariot. Il avait allongé l'inconnue derrière lui, à côté de la cage et l'avait recouverte de son propre manteau. Sans même qu'il eut besoin de faire un geste, Fantôme avait bondi sur le chariot et s'était blotti contre la jeune femme, pour la réchauffer. Parfois, il se disait vraiment que le loup au pelage blanc comme la neige était capable de lire ses pensées.

Mestre Luwin lui avait dit une fois qu'il était important de parler aux personnes qui avaient souffert la morsure du froid, afin qu'elles ne s'endorment pas pour ne jamais se réveiller. C'est pourquoi il se mit à lui parler, sans même vraiment faire attention à ce qu'il disait.

- Mestre Luwin est un très bon guérisseur. Il m'a parfois soigné quand j'étais petit, à Winterfell. Une de ses potions, un bon lit chaud au coin d'un feu et demain, vous serez de nouveau sur pied. Tout cela ne vous apparaîtra plus que comme un mauvais souvenir.

Sans son manteau, Jon commençait à avoir froid mais il n'en dit mot. Il avait prononcé ses vœux, et parmi ceux-ci, il y avait notamment ces mots : "Je suis le feu qui flambe contre le froid, la lumière qui rallume l’aube, le cor qui secoue les dormeurs, le bouclier protecteur des Royaumes humains." Il avait juré de protéger les habitants des Sept Couronnes et il comptait bien ne pas revenir sur sa parole.

Serrant les rênes un peu plus fort, il reprit d'une voix forte.

- Si vous n'êtes pas du Nord, il est possible que vous n'ayez jamais entendu parler de nous. La Garde de Nuit est un ordre qui a été fondé il y a plus de huit mille ans. Nous gardons le Mur, au nord de Winterfell, qui sépare les Sept Couronnes des vastes étendues gelées où vivent les sauvageons. Certains comme moi s'engagent volontairement dans la Garde... d'autres se voient proposer cette option plutôt que la potence, lorsqu'ils ont commis un délit grave voire un crime.

Il ne savait pas vraiment pourquoi il lui racontait ça. Peut-être que son esprit commençait à s'embrumer à cause du froid ? Ou bien était-ce que la Mur, ou plutôt la compagnie de Sam, du Lord Commandant et de ses amis, lui manquaient déjà ? Jon n'aurait su le dire mais pour le bien de cette inconnue autant que pour le sien, il lui fallait continuer.

- Le Mur... c'est un endroit terrible. Il y fait extrêmement froid, même pour quelqu'un élevé dans le Nord et aucun feu n'arrive à vous réchauffer réellement. Tout ou presque est recouvert de glace ou de neige. Mais une fois que vous êtes en haut et que vous regardez l'horizon... c'est magnifique. Comme si on se trouvait sur le toit du monde et qu'on le contemplait depuis les cieux...

Il n'oublierait jamais la première fois où il était monté tout en haut du Mur. Son oncle Benjen l'y avait accompagné et ils avaient pu discuter un peu. Leur discussion avait été un peu houleuse, parce que son oncle avait refusé qu'il l'accompagne lors de son expédition mais il avait quand même été là pour lui. Jon regrettait amèrement son impatience et ses paroles immatures, surtout qu'il n'avait pas revu Benjen depuis ce fameux jour où il était sorti patrouiller.

Snow espérait qu'ils arriveraient bientôt à Winterfell, sinon il pourrait bien avoir besoin lui aussi de l'aide du vieux mestre s'il ne voulait pas succomber au froid...

Le froid, la fatigue et l'émotion eurent raison d'elle, et alors qu'elle s'apprêtait à toucher le sol glacé et à sentir la neige mouiller ses vêtements, cela n'arriva pas. Le jeune homme la retint avant qu'elle ne s'effondre par terre. Elle se blottit dans ses bras réconfortants, et il la souleva de terre avec délicatesse. Ramenant ses bras contre elle et faisant confiance à la force de ses bras, elle se laissa bercer par ses pas. Jeyne respirait doucement, sentant le froid s'éloigner grâce à l'étreinte de Jon. Un homme lui adressa la parole, mais Jeyne ne prêta pas attention à ce qu'il lui dit. Jon répondit d'une voix vibrante, dont l'écho dans le froid semblait donner une intensité.

- Non. Détache les cheveux et attache-en deux, dont le mien, au chariot. Nous avons une jeune femme transie de froid qui a besoin de voir un mestre. Le plus proche est Mestre Luwin à Winterfell donc nous allons faire route en toute hâte jusque là-bas.

Jeyne tendit l'oreille. Winterfell? Non, non, pourquoi Winterfell? Il ne fallait pas rentrer, elle avait encore affaire dehors! Son frère comptait sur elle, elle ne pouvait pas attendre. Jon la déposa à l'arrière d'une charrette de bois, l'allongeant du mieux qu'il pouvait, la recouvrant d'une, puis d'une deuxième couverture. Quelque chose bondit à côté d'elle alors qu'elle regardait l'homme en noir, la faisant sursauter. La fourrure blanche du loup la fascina un moment, mais elle n'en avait pas peur. Il s'allongea près d'elle, son flanc collé à sa peau, lui donnant autant de chaleur que l'animal pouvait. Elle sourit distraitement, se sentant soudain très endormie. Ils reprirent la route pour Winterfell, alors qu'elle ne s'habituait pas à leur présence. Jon en revanche, semblait loquace ce soir.

- Mestre Luwin est un très bon guérisseur. Il m'a parfois soigné quand j'étais petit, à Winterfell. Une de ses potions, un bon lit chaud au coin d'un feu et demain, vous serez de nouveau sur pied. Tout cela ne vous apparaîtra plus que comme un mauvais souvenir.

Jeyne ouvrit les yeux, n'arrivant pas même à réaliser qu'elle les avait fermés. Elle resserra le manteau de Jon autour d'elle, s'imprégnant de son odeur masculine et chaude. La fourrure la chatouillait, mais elle n'en tenait pas compte. Elle était bien. Elle se mit à repenser à la brûlure du soleil du Sud sur sa peau, et quelque part, la chaleur du manteau et de son espace confiné et hermétique qu'elle se créait l'aidait à l'imaginer. Mais le froid la rattrapa lorsque le vent souffla, la ramenant à la terrible réalité. Jon lui parlait à présent de la garde de nuit, des hommes qui vouaient leur vie à la défense des peuples du royaume de Westeros. Bien sûr qu'elle savait qui ils étaient. Elle n'aurait jamais cru en rencontrer un un jour, et voilà que c'était chose faite, et qu'il lui avait sauvé la vie en plus. Elle aurait voulu lui parler, partager avec lui, mais elle n'arrivait pas à parler, sans savoir pourquoi.

- ...Comme si on se trouvait sur le toit du monde et qu'on le contemplait depuis les cieux...

Jeyne avait toujours voulu en savoir plus sur le mur et les hommes qui le gardaient. Dans le sud, l'on disait qu'ils étaient inutiles, qu'ils s'engageaient pour mourir en martyrs mais que la cause était inexistante. Prenant son courage à deux mains, elle voulu lui parler de la situation. Mais elle n'en trouva pas la force. Elle se souvint de pourquoi elle était sortie cette nuit là. Le souvenir de son frère fit monter les larmes à ses yeux et le rouge à ses joues. Jeyne sentit une vague de froid la traverser. Elle prit une inspiration saccadée, avant de prononcer quelques mots, doucement.

- Arrêtez... Pas Winterfell, je... Je dois retrouver mon frère, vous allez dans la mauvaise direction.

Jeyne se força à rouvrir les yeux et à se redresser un peu. Elle traina ses jambes et appuya son dos contre le bois, ramenant encore et toujours le manteau de Jon contre elle. Son odeur avait un caractère si réconfortant qu'elle lui faisait tourner la tête.

- S'il vous plait, vous devez m'aider à retrouver mon frère, je vais bien... Je, je n'ai pas besoin de mestre...

- Arrêtez... Pas Winterfell, je... Je dois retrouver mon frère, vous allez dans la mauvaise direction.

La voix avait été si faible que Jon crut un instant avoir rêvé mais lorsqu'il tourna la tête, il constata que l'inconnue avait entrouvert les yeux. Des larmes s'écoulaient telle une rivière de diamants sur ses joues légèrement rougies par le froid, se cristallisant presque aussitôt. Il la vit d'ailleurs essayer de se redresser contre l'un des côtés de la charrette, son souffle visiblement court.

- S'il vous plait, vous devez m'aider à retrouver mon frère, je vais bien... Je, je n'ai pas besoin de mestre...

Jon ne répondit pas immédiatement, ses mains tenant toujours fermement les rênes. Son souffle faisant apparaître un nuage blanc à chaque respiration, il finit par prendre la parole d'une voix calme et forte à la fois.

- Je ne veux pas me montrer cruel mais si votre frère est sorti dans ce froid, il est sans doute déjà mort puisque nous n'avons vu aucun feu. S'il est à l'abri quelque part, alors il ne craint rien. En revanche, vous êtes très faible et ne passerez sans doute pas la nuit si vous ne voyez pas un mestre, même si nous allumions un feu...

Jon fit une pause, frissonnant lorsqu'un vent glacial le traversa de part en part. Serrant les dents, il se concentra sur la tâche qu'il était en train d'accomplir et crut ressentir une sorte de chaleur, pas physique mais mentale, primaire... et sut que Fantôme le regardait et l'encourageait silencieusement derrière lui, ses yeux rouges comme des rubis le fixant sans discontinuer.

Fantôme avait besoin de lui, tout comme Sam à qui il avait fait la promesse de revenir, ou encore le Lord Commandant... Il ne pouvait pas se laisser aller à mourir ici, alors qu'il était sur le point de revoir Robb, Bran, Rickon...

- Même si vous en venez à me haïr pour ce que je suis en train de faire, je ne rebrousserai pas chemin. Vous devez vivre, et trouver des raisons de vivre... Votre frère, votre colère... mais ne vous laissez pas abattre ! S'il reste ne serait-ce qu'une seule personne dans ce monde pour qui votre mort serait une cause de tristesse et de désespoir, alors accrochez-vous !

Ils continuèrent ainsi pendant un certain temps, jusqu'à ce que la voix d'Elkor le sorte de sa somnolence, lui faisant rouvrir complètement les yeux.

- Jon ! Je vois des lumières, c'est Winterfell !

Tournant son regard dans la direction indiquée par son frère d'armes, il put voir de ses yeux les lumières de Winterfell qui brillaient au loin. Ils étaient encore à une petite demi-heure de route de la cité du Nord mais celle-ci passerait bien plus vite que le reste de leur voyage maintenant qu'ils pouvaient contempler leur destination, qui serait de plus en plus proche à chaque instant. Posant ses yeux anthracite sur ses autres compagnons, il s'aperçut que ces derniers se tenaient un peu plus droits sur leurs chevaux, et qu'une expression joyeuse avait remplacé leurs mines maussades.

- Dès qu'on sera sur place, je vous offre une tournée générale, mes frères ! Je pense que nous avons bien mérité une petite chope, non ? S'exclama Lyam.

Jon se contenta d'acquiescer, un léger sourire flottant sur ses lèvres gercées par le froid. D'ordinaire, il n'était pas le genre d'homme à se laisser aller à l'ivresse mais dans le cas présent, un verre de vin leur ferait sûrement le plus grand bien. Au fur et à mesure que le temps passait, les hautes murailles de Winterfell leur apparaissaient de plus en plus proches. Bientôt, ils seraient saufs à l'intérieur de ces murs.

- Tenez bon, mademoiselle. Nous y sommes presque...

Elle devait le penser sans coeur, d'avoir ainsi refusé sa demande d'aller secourir son frère mais Jon ne lui avait pas menti. D'autant plus que s'il avait accepté de rester dans la forêt pour chercher le disparu, ils auraient eu toutes les chances de mourir, soit par le froid, soit de la main des nombreuses bandes de brigands qui braconnaient la forêt.

Le froid brouillait sa vue et lui enserrait la gorge d'une main de fer, l'empêchant de respirer. Elle se cramponnait à la charrette, espérant que Jon entende raison, qu'il lui permette de retrouver son frère. Et puis, s'ils rentraient à Winterfell, quelle excuse aurait-elle? Robb devait dormir à cette heure-ci, assurément. Mais cela s'ébruiterait-il? Elle ne pouvait as voir sa couverture lui échapper maintenant, pas alors qu'elle était si proche du but. Les larmes avaient roulées sur ses joues, se glaçant presque instantanément. Elle sortit une main de son confort hermétique pour essuyer ses larmes et les sillons qu'elles avaient creusés sur ses joues. Il devait l'écouter, il devait l'aider. Le froid lui faisait tourner la tête et son coeur martelait si fort contre sa poitrine qu'elle n'entendait plus que cela. Il resta si impassible face à ses paroles qu'elle crut qu'il ne l'avait pas entendue.

- Je ne veux pas me montrer cruel mais si votre frère est sorti dans ce froid, il est sans doute déjà mort puisque nous n'avons vu aucun feu. S'il est à l'abri quelque part, alors il ne craint rien. En revanche, vous êtes très faible et ne passerez sans doute pas la nuit si vous ne voyez pas un mestre, même si nous allumions un feu...

Jeyne crut qu'elle ne retrouverait pas sa respiration. La réalité la frappa brusquement, accompagnée par les mots de Jon. Et s'il avait raison? Son frère n'aurait pas pu survivre seul dans ces conditions. Le Nord était réellement plus terrible et meurtrier qu'elle le pensait. S'il était mort... Elle n'avait plus aucune raison d'être dans le nord... Mais comment en être sûr? Plus e temps passait, plus elle pensait qu'elle ne pouvait pas faire cela toute seule. Elle avait besoin d'aide. Mais qui mettre dans la confidence? Elle était une Ouestrelin, à la solde des Lannister. Jamais on ne comprendrait. On l'accuserait d'être un espion, on la mettrait aux fers, ou en prison. Le froid s'abattit avec encore plus de force sur elle alors que Jon reprenait la parole.

- Même si vous en venez à me haïr pour ce que je suis en train de faire, je ne rebrousserai pas chemin. Vous devez vivre, et trouver des raisons de vivre... Votre frère, votre colère... mais ne vous laissez pas abattre ! S'il reste ne serait-ce qu'une seule personne dans ce monde pour qui votre mort serait une cause de tristesse et de désespoir, alors accrochez-vous !

Jeyne lui en voulait. Il ne l'écoutait pas. Qu'y avait-il de si important pour lui à Winterfell pour qu'il veuille y retourner? Ne pouvait-il pas seulement lui faire confiance là dessus? Savait-elle seulement ce qu'elle faisait? Une voix s'éleva à nouveau dans la nuit, indiquant qu'ils arriveraient à Winterfell. L'attente serait longue avant qu'elle ne puisse le retrouver. Jeyne avait envie de toute abandonner et de partir dans les bois pour le retrouver. Il lui manquait atrocement, et elle ne pouvait pas supporter un autre jour sans lui. Elle repoussa doucement la couverture, essayant de se redresser un peu. Ses jambes lui firent mal, mais elle n'en tint pas compte. Elle tenta de se mettre debout, mais elle n'y parvint pas. Retombant sur ses genoux, elle retint un cri, et comprit qu'elle ne pourrait rien faire de plus ce soir.

- Tenez bon, mademoiselle. Nous y sommes presque...

Sa voix lui était parvenue, comme dans un songe. Jeyne se sentit étonnement soulagée, sans pouvoir comprendre pourquoi au vu de la situation. Elle se sentait plus en sécurité, et déjà les lumières de Winterfell semblaient la réchauffer malgré la distance. Alors qu'ils arrivaient, Jeyne remarqua que la cour était déserte. Il devait être tard, ou tôt, ça dépendait de comment vous voyiez les choses. Ce qui était sûr c'est qu'elle avait l'impression d'avoir failli à son devoir, le malaise allant avec. La charrette s'arrêta bien vite, et un homme finit par arriver vers elle, s'approchant pour lui attraper le bras et la faire descendre. C'était un homme de la garde de nuit, mais elle ne le connaissait pas, alors elle se défit de son étreinte, restant dans le fond de la charrette. Elle s'adressa à Jon d'une voix moins douce qu'elle n'aurait souhaité.

- Vous m'avez secourue, merci, maintenant, laissez-moi y retourner, ce n'est plus de votre ressort...

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